Plumes et pinceaux, prologue épistolier et poétique

Dès mes premières expositions, j’ai éprouvé le besoin de donner quelque chose en plus aux « regardeurs », comme les appelait Marcel Duchamp. Ce prologue informel d’une quarantaine de minutes se tient parmi eux, afin de les faire entrer plus avant dans mon aventure de peintre.

Avec Gérald Denizot, mon compagnon, homme de théâtre, nous nous sommes alors lancés avec avidité dans les écrits de nos grands génies clairs. Quête passionnante que sa densité et son importance rendent inépuisable.

C’est le désespoir de Pascin, qui meurt de son succès : « depuis que j’ai signé ce contrat avec la galerie Bernheim, je me dégoûte, j’ai l’impression d’être un maquereau de la peinture ». C’est lui, ce prince flamboyant du triangle sacré de l’entre-deux guerres, quand les artistes du monde entier affluaient à Montparnasse.

C’est une liste de couleurs (jaune de Naples, ombre de terre brûlée…) que Vincent Van Gogh dresse, pour justifier de nouvelles dépenses, à son frère Théo.

C’est Émile Zola qui réconforte son ténébreux ami Cézanne au temps de leur belle jeunesse.

C’est l’émerveillement de Claude Roy, qui découvre une lithographie de Zao-Wou-Ki : « C’était la primeur de la vue et la pupille débarbouillée. C’était la merveille de la surprise paisible… ».

C’est Henri Matisse qui, à 71 ans, explique à son ami Pierre Bonnard qu’un « dessin de coloriste n’est pas une peinture. Il faudrait lui donner un équivalent en couleur, c’est à quoi je n’arrive pas ! ». Et tant d’autres, tant d’autres… Non seulement ces peintres nous éblouissent par leur travail, mais en plus ils parlent « bel et bon », avec style et sincérité.

Ils me donnent du courage, de la hardiesse, m’obligent à me redresser et c’est à Prévert, grâce à sa Promenade de Picasso, que je dois ma devise : il faut toujours se méfier des « tristes pépins de la réalité ».

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